Le savoir-être de l’agent stagiaire, condition de sa titularisation

Le savoir-être de l’agent stagiaire, condition de sa titularisation

Auteurs : Lise Leeman, Avocate associée Spécialiste en Droit Public - Adrien Levrey, Avocat
Publié le : 08/12/2021 08 décembre déc. 12 2021

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt de mars 2021, a apporté des précisions intéressantes sur l’appréciation de l’insuffisance professionnelle de l’agent public stagiaire, prenant en considération son savoir-faire, mais également son savoir-être dans la réalisation de ses missions.

Désormais, les employeurs publics pourront se servir d’éléments relatifs à l’investissement de l’agent public stagiaire et à son attitude pour caractériser une insuffisance professionnelle, quand bien même ses compétences techniques seraient démontrées.

C’est une position de principe qui est ici reprise, consacrée récemment, en matière d’appréciation d’insuffisance professionnelle d’un agent public stagiaire.
En effet, l’agent public stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser à l’issue de son stage doit alors être fondée sur l’appréciation portée par l’autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et de manière générale, sur sa manière de servir.

L’implication personnelle défaillante de l’agent 

La réglementation prévoit qu’au-delà d’un refus de titularisation, pour insuffisance professionnelle, à l’issue du stage, l’autorité administrative peut proposer une prolongation de stage à l’agent, afin qu’il démontre qu’il dispose des capacités suffisantes pour être titularisé.

Dans le cas d’espèce, la Cour administrative d’appel de Bordeaux vient étendre cette position de principe au cas de prolongation de stage de l’agent public stagiaire. L’agent était employée comme maître nageuse sauveteuse par une commune et à l’issue de son année de stage, le maire l’a autorisée à effectuer un stage complémentaire d’une année, ce que conteste l’agent ici.

La Cour a donc procédé d’abord à une analyse des informations sur le savoir-faire de l’agent, en relevant : « Des acquisitions non-confirmées dans le temps, des difficultés à se conformer aux consignes données par la hiérarchie, une adaptation difficile face aux changements d'horaire et d'organisation de travail et de ne pas avoir assimilé la notion de continuité de service ».

Elle a étudié également les éléments relatifs au savoir-être de l’agent en relevant qu’elle a fait l’objet d’un « recadrage récurrent » par sa hiérarchie, que l’agent a « manifesté une attitude nonchalante, un comportement peu professionnel en réunion et des difficultés à travailler en équipe ».

Elle a noté également son manque d’investissement dans les projets à développer et son absence à son poste, entrainant l’annulation de certains de ses cours, avec impossibilité de prévenir les participants à l’avance.
Toutefois, l’agent a démontré qu’elle avait acquis les compétences techniques attendues du poste, au regard d’attestations du chef de bassin et des participants à ses cours, qui mettaient en avant ses qualités professionnelles et humaines.

Malgré ces éléments, la Cour administrative d’appel retient que ses capacités relationnelles insuffisantes avec sa hiérarchie et ses difficultés à accepter les décision prises révèlent son insuffisance professionnelle.

Une appréciation large de l’insuffisance professionnelle

L’appréciation large de l’insuffisance professionnelle est donc confirmée devant le juge administratif. En effet, il n’est pas seulement question de vérifier que l’agent public stagiaire maîtrise uniquement les compétences attendues pour sa fonction. Il est également fondamental que l’agent maîtrise ses relations professionnelles et adopte une attitude empreinte de motivation et d’investissement.

La Cour va encore plus loin, puisqu’en l’espèce, les capacités techniques étaient acquises et démontrées par l’agent, mais son savoir-être était à parfaire pour prétendre à la titularisation. L’attitude globale de l’agent devient donc déterminante dans l’appréciation de l’insuffisance professionnelle, au-delà de l’aspect technique de son emploi.

Si l’insuffisance professionnelle comprend alors une dimension large, il convient tout de même de rappeler que si les faits concernés revêtent une dimension disciplinaire, l’autorité compétente devra veiller au respect des garanties procédurales prévues.

Enfin, l’appréciation des capacités professionnelles de l’agent, qu’il s’agisse de son savoir-faire ou de son savoir-être, devra également être réalisée uniquement sur des faits ayant eu lieu durant la période de stage et pas sur une période d’activité antérieure.

Ainsi, l’implication en tant que futur agent du service public est une condition déterminante de la titularisation, afin de manifester une réelle volonté d’intégrer la fonction publique, en intégrant ses valeurs professionnelles liées au service public et à la poursuite de l’intérêt général.

En tant que collectivité territoriale, vous envisagez le licenciement d’un agent pour insuffisance professionnelle ? N’hésitez pas à nous contacter pour tout accompagnement juridique sur ce point.
Lise Leeman
Avocate associée
Spécialiste en Droit Public

Adrien Levrey
Avocat

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