Oui, un salarié peut connaître des restrictions dans le choix de son domicile personnel
Auteur : Aurore LINET – Avocate Département Droit social judiciaire
Publié le :
21/04/2022
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Tout salarié a le droit de choisir le lieu où il entend demeurer. L’employeur est cependant légitime à exiger du salarié qu’il ne fixe pas sa résidence en un lieu trop éloigné de son travail – et ce afin de préserver sa santé et sa sécurité – et d’en tirer des conséquences en cas de refus.
Travailler à Paris tout en habitant au bord de la mer ? Le projet fait rêver de nombreux salariés. Mais l’employeur, aussi, peut avoir son mot à dire. Dans un arrêt du 10 mars 2022, la Cour d’appel de Versailles a ainsi retenu le bien-fondé du licenciement d’un salarié en raison de la fixation de son domicile en un secteur jugé trop éloigné par l’entreprise de ses lieux d’activité professionnelle (CA Versailles, 11e chambre, 10 mars 2022, n°20/02208).
Le libre choix du lieu de résidence
Tout salarié a le droit de choisir le lieu où il entend demeurer. Il s’agit d’une liberté fondamentale inscrite notamment dans l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
L’employeur doit respecter la vie personnelle des personnes placées sous sa subordination et ne peut pas entraver les droits et libertés individuels par des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (comme le montrent des arrêts de la Cour de Cassation de 1999, 2005 et 2012).
Le salarié est donc, en principe, libre de fixer sa résidence où il l’entend et de déménager en un autre lieu à sa convenance.
Le cas du lieu de résidence jugé trop éloigné
Cette liberté peut néanmoins avoir des limites, comme l’indique un arrêt récent de la Cour d’appel de Versailles. Dans cette affaire, le salarié concerné, dont le contrat de travail ne prévoyait aucune obligation concernant son domicile, avait au cours de la relation contractuelle déménagé de la région parisienne (où se situait le siège social de la société) vers la Bretagne, son nouveau domicile se trouvant désormais distant de 442 kms du lieu de ses activités professionnelles.
L’employeur, jugeant ce nouveau domicile trop éloigné et source d’allongement des temps de trajet, avait informé le salarié de son désaccord quant au déménagement et lui avait demandé de revenir en région parisienne, en raison notamment de la nécessité de préserver sa sécurité.
Le salarié avait refusé et s’était vu licencié pour ce motif.
La juridiction prud’homale saisie par le salarié de la contestation de la rupture de son contrat de travail a validé la position de l’employeur et, à sa suite, la Cour d’appel de Versailles.
La nécessité de préserver la santé et la sécurité du salarié
La Cour d’appel juge en effet que la « distance excessive ne pouvait être acceptée par l’employeur compte tenu de son obligation de sécurité », « mais également de celle incombant au salarié ». Elle rappelle que « l’employeur est tenu de veiller au repos quotidien de son salarié et à l’équilibre entre sa vie familiale et sa vie professionnelle ».
Elle estime en conclusion qu’il n’existe « aucune atteinte disproportionnée au libre choix du domicile personnel et familial (…) compte tenu de l’obligation essentielle de préservation de la santé et de la sécurité du salarié » : l’employeur qui est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés (impératif posé par le Code du travail) peut donc à ce titre restreindre la liberté du salarié de choisir son domicile ou du moins de le modifier en cours d’exécution de son contrat.
Des interrogations ? Le secteur social de TEN France est à votre disposition !
Aurore LINET – Avocate
Département Droit social judiciaire