La médiation en droit public par Jean-Philippe LACHAUME Avocat spécialisé en droit public au sein du cabinet TEN France
Publié le :
05/02/2018
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I. Les modes alternatifs de règlement des litiges en droit administratif : les acteurs de la médiation : le point de vue de l’Avocat
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et le décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif ont introduit, dans le code de justice administrative, différents articles dont l’application interroge, nécessairement, le praticien.
Nous ne retiendrons ci-après que les interrogations que suscite la confidentialité attachée à la médiation.
II. La confidentialité dans le cadre de la médiation
A) Une première interrogation surgit à la lecture des articles L. 213-2 et L. 213-4 du code de justice administrative.
L’alinéa 2 de l’article L. 213-2 précise que :
«Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité…».
L’article L. 213-4 du même code dispose que :
«Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à l’accord issu de la médiation.»
Si l’on considère qu’une décision de justice homologuant ou donnant force exécutoire à un accord issu de la médiation rend public ce dernier, l’article L. 213-4 précité est imprécis et susceptible d’entrer en contradiction avec l’article L. 213-2.
En effet, la juridiction semble pouvoir donner force exécutoire ou homologuer l’accord issu d’une médiation dès lors qu’elle est saisie de conclusions en ce sens sans qu’il soit précisé que lesdites conclusions doivent émaner de l’ensemble des parties. Il semblerait donc que des conclusions émanant de l’une seulement des parties soient suffisantes pour qu’il puisse être fait droit à la demande.
Si tel devait être le cas et il appartiendra ici à la jurisprudence de trancher cette question, la décision contreviendrait alors aux dispositions de l’article L. 213-2 aux termes duquel la médiation demeure confidentielle sauf accord contraire des parties, donc de l’ensemble des parties.
B) Dès lors que l’une au moins des parties à la médiation est une collectivité territoriale ou un établissement public, la notion de confidentialité revêt un caractère relatif.
Un maire ne peut engager une action en justice ou défendre les intérêts de la commune qu’après avoir reçu une délégation du conseil municipal laquelle intervient, le plus souvent, dans le cadre des dispositions de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. Dans ce cadre et en application de l’article L. 2122-23 du CGCT, le maire doit rendre compte au conseil municipal de l’exécution desdites délégations. Ainsi, le maire ne peut donc recourir à une médiation, pour le compte de la commune, qu’après y avoir été autorisé par l’organe délibérant et devra rendre compte à ce dernier de ladite médiation.
Dans ce contexte, la confidentialité de la médiation entre les parties devient toute relative puisque l’ensemble des membres composant le conseil municipal sera informé de la médiation.
En outre, au titre de l’information des membres du conseil municipal, il n’est pas certain que le contenu du seul procès-verbal de médiation soit suffisant pour que puissent être considérées comme remplies les exigences posées par l’article L. 2121-13 du CGCT suivant lequel : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération.»
Les juridictions devront donc apportées des précisions.
Concernant la médiation à laquelle serait partie un établissement public de l’État, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2045 al. 3 du code civil, un tel établissement public ne peut transiger qu’avec l’autorisation préalable du Premier Ministre.
Là encore, le recours à la médiation doit être porté à la connaissance d’un tiers.
C) Enfin, l’exécution d’une décision de médiation, par une collectivité territoriale et dans l’hypothèse, par exemple, où cette dernière aurait accepté de payer une somme d’argent (sans perdre de vue qu’une personne morale de droit public ne peut jamais être amenée à payer une somme qu’elle ne doit pas ; CE 19 mars 1971, Sieur Mergui, n°79962), ne sera possible qu’après transmission au comptable public du mandat de l’ordonnateur.
Le comptable public se contentera-t-il du procès-verbal de médiation ou exigera-t-il la communication d’éléments supplémentaires ?
Dans cette dernière hypothèse, là encore, le contenu de la médiation serait porté à la connaissance d’un tiers, ce qui est susceptible de remettre en cause le principe de confidentialité de l’article L 213-2 alinéa 2.
Pour en terminer, il ne paraît pas inutile de rappeler que l’un des objectifs de la loi du 18 novembre 2016 est, incontestablement, de diminuer le nombre de dossiers contentieux devant les juridictions administratives.
Renseignements obtenus, cent-cinquante médiations par an pour un tribunal administratif seraient un objectif maximal, soit un demi équivalent temps plein si l’on considère qu’un magistrat administratif rend environ trois cents décisions par an. Il n’appartient pas au praticien de dire si le verre sera alors à moitié vide ou à moitié plein, mais qu’il lui soit permis d’écrire que si les éléments chiffrés ci-dessus sont validés, l’énergie, le temps et les sommes dépensés par les parties pour recourir à la médiation paraissent (très ?) excessives au regard du gain pour les juridictions, le tout supposant,bien évidemment, que la médiation aboutisse.
Jean-Philippe LACHAUME, avocat
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