Contrôle par l’employeur d’une messagerie électronique installée sur l’ordinateur professionnel du salarié : attention à vérifier la nature de la messagerie !
Auteur : Sébastien MAYOUX
Publié le :
28/01/2020
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Les contrôles des outils informatiques par l’employeur sont devenus récurrents dans l’entreprise. Ces contrôles sont la plupart du temps encadrés par une procédure définie par le règlement intérieur de l’entreprise voire une charte informatique.
Les échanges d’emails via la messagerie professionnelle ont posé des difficultés notamment sur le point de savoir s’ils étaient ou non protégés par le secret des correspondances. Posant le principe que la messagerie électronique est de nature professionnelle, les juges considèrent que l’employeur y a libre accès sans l’accord du salarié sous la condition que ce dernier n’ait pas rendu privé ces échanges. En effet, dès lors que le salarié utilisant sa messagerie professionnelle a identifié l’email comme privé (avec l’une des mentions suivantes : privé, personnel, confidentiel) l’employeur ne peut pas y avoir accès sans son accord ou, le cas échéant, en ayant recours à un juge sous la condition de rapporter la preuve qu’il existe un risque ou un évènement particulier justifiant qu’il accède à la messagerie.
A l’inverse, la question de l’accès à la messagerie personnelle du salarié est clairement réglée. Relevant strictement de la sphère privée, il est impossible pour l’employeur d’y avoir accès, peu important qu’il y ait ou non une mention l’identifiant comme privée.
Mais qu’en est-il si une messagerie de nature privée est installée sur un ordinateur professionnel ? Le caractère professionnel de l’ordinateur impacte-t-il la messagerie privée au point qu’elle « devienne professionnelle » ?
Telle a été la question posée à la Cour de cassation dans un arrêt du 23 octobre 2019 (Cass. Soc. 23 oct. 2019, n°17-28.448). Avant de partir en congés payés, une salariée avait laissé à l’employeur l’accès à son ordinateur professionnel sur lequel était installé la messagerie instantanée MSN Messenger. L’employeur opéra une vérification de cette messagerie. Il s’aperçut que la salariée transmettait à d’autres salariés des documents internes dont ils n’avaient pas à connaître la teneur (fiches de paie, reçu pour solde de tout compte…).
Fort de ces éléments, l’employeur licencia la salariée pour faute grave, laquelle contesta le licenciement en s’appuyant sur l’illicéité du contrôle. Dans la suite logique de sa jurisprudence, la Cour de cassation considère que les messages provenant d’une boite électronique personnelle distincte de la boite professionnelle sont couverts dans tous les cas par le secret des correspondances empêchant l’employeur d’y accéder librement et de s’en prévaloir le cas échéant, même si celle-ci est installée sur l’ordinateur mis à disposition par l’employeur.
Cette solution s’applique même si cette messagerie personnelle n’apas été explicitement identifiée comme telle, dans la mesure où sa nature même lui confère un caractère privé.
La vigilance est donc de mise pour l’employeur qui souhaiterait contrôler une boite mail électronique d’un salarié : attention à bien identifier sa nature !
Sébastien MAYOUX , Consultant - Maître de conférence, exerçant en droit du travail