Le DGD tacite : Une sanction radicale pour le maître d’ouvrage négligent !
Publié le :
23/05/2019
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CE, 25 janvier 2019, Société Self Saint-Pierre-et-Miquelon, n°423331
La contestation d’un décompte général devenu définitif est souvent un chemin semé d’embuches, sur lesquelles nombreuses sont les entreprises qui trébuchent, souvent par ignorance de la subtilité des procédures ou par manque de temps et de diligence.
Avec le DGD tacite, il en est de même pour l’établissement de ce DGD par le maître d’ouvrage public, comme la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon en a fait l’amer expérience.
Rappelons que l’article 13.4.2 du Cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés de travaux impose que le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire du marché le décompte général dans un délai de 30 jours, à compter :
- soit de la réception par le maître d’œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire,
- soit de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire.
A défaut, le titulaire doit notifier au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’œuvre, un projet de décompte général signé et composé :
- du projet de décompte final tel qu’il a été précédemment transmis ;
- du projet d’état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel ;
- du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive.
A compter de sa réception, le maître d’ouvrage dispose d’une dernière chance de pouvoir modifier ce projet. Il dispose, pour cela, d’un délai impératif de 10 jours. En l’absence de modification de sa part dans ce délai, la sanction est sans appel :
« si dans un délai de 10 jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n’a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif (…) Le décompte général et définitif lie définitivement les parties » (Article 13.4.4 du CCAG Travaux).
Cette sanction est particulièrement sévère, puisqu’il ne faut pas oublier que le décompte est intangible, ce qui signifie, selon la formule constante du Conseil d’Etat, que :
« L’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public de travaux est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ».
L’intangibilité du décompte implique, pour le titulaire, qu’il intègre, dans le décompte général et définitif, les sommes qu’il estime être en droit de réclamer au titre des prestations supplémentaires ou encore des éventuels surcoûts engendrés par les retards dans l’exécution du marché.
Pour le maître d’ouvrage, le caractère définitif du décompte fait obstacle à ce que le maître d’ouvrage puisse rechercher la responsabilité du titulaire du marché sur le terrain contractuel (CE, 6 novembre 2013, n°361837). Il ne peut donc plus obtenir, sur ce fondement, l’indemnisation de l’éventuel préjudice que lui aurait causé une faute du titulaire du marché commise dans l’exécution du contrat. Seule la responsabilité décennale ou la garantie de parfait achèvement peut alors être actionnée par le maître d’ouvrage, si les conditions pour cela sont réunies.
En l’espèce, la société Self Saint-Pierre-et-Miquelon avait notifié sa demande de paiement final à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et au maître d’œuvre respectivement les 12 et 19 juin 2017. Le maître d’ouvrage n’ayant pas notifié le décompte général à la société à l’expiration du délai de 30 jours, la société lui a notifié le 3 août 2017 un projet de décompte final. Dans ses demandes figurait une demande complémentaire à hauteur de 247.382,87 € HT.
Le maître d’ouvrage n’a pas répondu à sa demande dans le délai de 10 jours qui lui était imparti, si bien que le juge administratif a considéré qu’un décompte général et définitif existait à compter du 14 août 2017.
La société a, par voie de conséquence, saisi le juge administratif d’un référé provision, la créance étant, alors, regardée comme non sérieusement contestable.
Appliquant pour la première fois la notion de DGD tacite, le Conseil d’Etat a condamné la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à verser, à titre de provision, à la société Self Saint-Pierre-et-Miquelon la somme complémentaire demandée.
En pratique : Attention lors de l’établissement du décompte général, aussi bien par le titulaire du marché que par le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre ! En effet, l’omission de certaines sommes ou l’absence de respect des délais peut s’avérer rédhibitoire. TEN FRANCE est à votre disposition pour assister les sociétés et les personnes publiques lors de cette phase particulièrement délicate ou en cas de contestation du DGD.
Lise LEEMAN, Avocat associé, spécialisé en Droit public
Historique
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